Langage non-verbal, La voie principale de l'interaction

[Rufus]

Certaines études en communication n'hésitent pas à postuler que la place du verbal dans la communication tient seulement à 7% de l'interaction. Le reste se ferait de manière non-verbal, au travers, notamment, du ton de la voix, de la gestuelle, de la posture, du regard, etc. Ces contributions, on les doit principalement à l'école américaine de Palo-Alto.

Dans le récent topic sur le mensonge, je disais que la manière la plus courante par laquelle je découvre que quelqu'un ment, c'est par l'observation de son langage non-verbal qui s'exprime alors d'une manière différente qu'à l'accoutumée. Les joueurs de Poker verront tout de suite de quoi je parle. À titre d'illustration, dans le film True Romance, il y a cette fameuse scène où Christopher Walken, qui joue un mafieux sicilien, décèle le mensonge de Dennis Hopper et lui explique ensuite que chaque homme a dix-sept pantomimes qui permettent de dire quand il ment. (les femmes, selon lui toujours, en auraient vingt). Vraie ou pas, l'assertion montre encore une fois l'importance du langage non-verbal.

D'autres études furent menées et de nouveaux champs d'analyse furent ouverts, notamment celui de la Proxémique d'Edward T. Hall, qui se penche sur la distance que prennent deux interlocuteurs entre eux lorsqu'ils communiquent. Il a ainsi fait une classification des types de distance (intime, amicale, formelle, hostile, etc.) et a également fait des comparaisons entre les différentes cultures, après avoir observé une scène assez cocasse dans une ambassade entre un diplomate britannique et un diplomate arabe, le premier ne cessant de reculer alors que le second tentait de se rapprocher pour discuter; les deux n'ayant simplement pas la même notion de la distance propre à une discussion formelle.

Ray Birdwhistell, pour sa part, s'est attaqué au domaine de la Kinésique qui concernait toute la gestuelle d'une interaction, remarquant que dans une discussion, inconsciemment, les interlocuteurs ont tendance à mimer la gestuelle des uns et des autres, ou de mimer celle d'un interlocuteur plus en valeur que les autres. Il lui fut cependant très difficile d'arriver à des résultats objectifs, vu que très souvent, la gestuelle au cours d'une interaction prend sens seulement dans cette interaction et pour les interlocuteurs qui y prennent part.

Tous ces travaux furent bien sûr des bases à l'actuelle et très à la mode Programmation Neuro-Linguistique (PNL), devenue la nouvelle coqueluche de tous les pseudos-consultants en communication et coachs de développement personnel, qui n'hésitent pas à la mettre à toutes les sauces.


Et vous,
- Le langage non-verbal, ça vous parle?
- Outre faire attention à ce que vous dites, avez-vous déjà fait attention à comment votre corps s'exprimait?

[Le poussin]

Le ton de la voix, l'intonation... je vois mal comment on peut considérer que ça ne fait pas partie du langage verbal, c'est véhiculé par la voix.

La gestuelle a son importance, elle est d'ailleurs fortement utilisée par certains humoristes pour compléter (voire même remplacer) le langage verbal. Mais même sans entrer dans le cas un peu particulier du jeu de scène, je pense que la gestuelle permet de faire passer une partie de ses émotions, de son ressenti (rire, impression de joie ou de tristesse, avoir un air blasé, montrer qu'on est pressé...).
Une manière assez simple de s'en rendre compte est de comparer une conversation téléphonique et une conversation de visu. Au téléphone on va pas exemple caser régulièrement des "hum" pour acquiescer alors qu'on aurait juste fait un petit geste de la tête de visu ; quand on cherche à prendre la parole on va également pouvoir le faire comprendre par un geste, alors que par téléphone ça se passe autrement.

[Rufus]

Verbal et oral, ce n'est pas pareil. Par exemple, le présent topic, il est entièrement verbal, mais il n'est pas oral.

D'où que je classe le ton de la voix comme non-verbal, bien qu'étant certes oral.

[Eölen]

Amusant que tu abordes ce sujet ainsi. Tu présentes très bien l'aspect communicationnel tandis que moi je connais davantage l'aspect pragmatique, lié à la transmission de sens.

La proxémique s'observe très souvent avec les gens d'un autre groupe social, avec la distance, le contact visuel et tactile.

Pour la kinésique, il y a aussi la gestion des tours de paroles et les manières d'interrompre l'autre.

Tout ça est intéressant pour comprendre comment nous communiquons et surtout soigner les troubles du langage.

La PNL n'est pas qu'une méthode de manipulation et de conditionnement, c'est aussi une méthode de soin thérapeutique, et ce n'est pas la seule à prendre en compte cet aspect communicationnel. Tu cites l'école de Palo Alto et il s'y trouvait Watzlavik qui a écrit pas mal sur le sujet (notamment l'excellent "faites votre propre malheur" chroniqué par Mega).

Enfin du coup, oui, le non-verbal ça me parle ^^

[Rufus]

Il y'a du bon dans la PNL, c'est sûr, je précisais que le plus souvent, quand on en entend parler, c'est à travers la bouche de telles personnes.

Ca me rappelle les débuts du Taylorisme, on écrivait des tas de bouquins sur comment tondre sa pelouse de la manière la plus efficace, comment faire la cuisine, etc.

La Kinésique, idem, Birdwhistell, si mes souvenirs sont bons, avait d'ailleurs creuser le sujet car il en avait assez de voir des imposteurs se faire des bénéfices en vendant des prétendus dictionnaires de gestes...

[Le poussin]

Rufus > Hum, ok. Je prenais verbal dans son sens de vive voix (opposé à l'écrit) et non qui se rapporte aux mots.
Effectivement comme ça je comprends mieux et je ne suis on ne peut plus d'accord avec l'importance de l'oral non-verbal dans la communication. C'est d'ailleurs à mon avis d'autant plus vrai dans les conversations de tous les jours qui utilisent un vocabulaire relativement pauvre et dans lesquelles les nuances et émotions passent beaucoup par les nuances vocales.

[Asuka]

D'ailleurs j'apprends ceci en ce moment dans mon cours de communication au travail. Ainsi que l'influence des groupes sur l'individu.

[Coeur Pur]

Ça me rappelle mon cours de sociologie. Notamment l'histoire des deux ambassadeurs.
Nous avions étudié ça dans le cadre de la différence entre les civilisations, mais c'est toujours intéressant de voir comment les notions d'espace peuvent varier selon la société à laquelle on appartient.
(Honnêtement je n'avais jamais soupçonné une différence aussi flagrante)

[Forty-two]

À propos des signes qui dénotent le mensonge, on peut imaginer que les gens se trahissent quand ils mentent parce qu'ils réfléchissent à leur mensonge, donc leur cerveau ne réagit pas de manière automatique : délais, ton inhabituel, perte de certains tics de langage. Autrement dit, on pourrait se trahir à cause des impératifs mécaniques du mensonge.

Cependant l'explication ne tient pas pour le rougissement, car rien de physiologique ne force une personne à rougir. Au contraire, on a l'impression que le corps fait un effort pour nuire à lui-même !


Selon une interprétation de la théorie de l'évolution, le rougissement serait un avantage collectif pour l'espèce. Rougir donne la preuve que l'on ne peut pas échapper à ses responsabilités.

Les autres peuvent vérifier que l'on rougit dans certaines situations gênantes mais sans conséquence. Par exemple rougir, à propos d'un souvenir embarrassant. Ils peuvent en déduire que l'on rougira aussi dans des situations graves qui peuvent nuire à l'espèce, telles que tricherie sur la nourriture, trahison du clan. Les individus qui ne rougissent jamais sont moins dignes de confiance, donc se reproduisent moins, donc le gène du rougissement prolifère.


Je pense que le même raisonnement peut s'appliquer à la communication non-verbale en général. Le non-verbal est très difficile à simuler, encore plus à cacher, donc il donne une preuve d'authenticité à ce que l'on dit. Par exemple, il est relativement aisé de trouver les mots à dire pour prétendre que l'on est passionné par un sujet ("J'adore tel hobby"), par contre il est nettement plus difficile de simuler l'enthousiasme non-verbal (les grands gestes, le ton de la voix). Dans ce sens, on peut considérer la communication non-verbale comme un avantage génétique collectif qui pénalise les tricheurs et les profiteurs.

Évidemment, la minorité d'individus qui parvient à contrôler leur langage non-verbal et/ou à décoder celui des autres avec plus de précision est en position de force…

[Rufus]

Il m'est arrivé de rencontrer de parfait(e)s menteurs/menteuses. Le truc est que bien souvent, une part d'eux-mêmes croyait à ce qu'ils disaient. Souvent même, c'était maladif, il s'agissait de mythomanie.

[Asuka]

Sinon je conseil de regarder La Faune Humaine, une traduction d'une petite étude britannique en 3 parties de 1heure chacune. Cette étude étudie les comportements humains via des caméras caché dans une maison isolé. Et dans une des parties ils y parlent du mensonge.