Nous vous demanderons de bien vouloir faire une minute de silence pour nos disparus. Oui, malgré les précautions prises, encore un de nos investigateurs est tombé au champ d’honneur, emporté par la folie inhérente aux luttes de pouvoir pour se faire remarquer par Cthulhu. Encore un reporter, un de trop.
La directive est tombée. Plus de surnaturel, il suffit. A la vitesse où tombent nos recrues, nous n’arrivons plus à tenir le rythme de parution, et en plus les gens commencent à dire qu’il vaut mieux ne plus venir travailler chez nous.
Nous avons donc décidé de nous intéresser à un milieu moins dangereux, moins ésotérique, avec un petit reportage sur l’évolution des gangs de bikers au fil des âges.
En des temps forts anciens, les bikers régnaient sur les routes. Seigneurs incontestés du bitume, de l’asphalte et du goudron, les bikers étaient réunis en bandes, véritables gangs qu’il valait savoir éviter si on ne voulait pas passer un sale quart d’heure. Il est vrai que les choses n’ont pas tant changé que cela pour le quidam moyen. Mais là n’est pas la question.
Les rivalités étaient fortes en ces temps où fierté et honneur avaient encore un sens. Et les luttes pour prouver qui était le plus fort, le plus habile, le plus charmant, le meilleur en somme, étaient fréquentes. En ces temps d’un autre âge, les conflits se réglaient sur la route, lors de courses mortelles où tous les coups étaient permis, du coup de pied dans la machine du voisin aux coups bas mêlant sucre, térébenthine et élastiques. Mais cela avait tendance à finir dans le sang, la douleur, et le cuir abîmé. Ce qui, il faut bien l’avouer, n’aide pas à rendre plus acceptable.
Vinrent ensuite les rixes de bar. On a souvent tendance à croire que celles-ci sont apparues en même temps que les conflits routiers. Il faut savoir qu’il n’en est rien. Les bars étaient autrefois des zones neutres, ou chacun mettait de côté ses rivalités pour apprécier une bonne bière. Mais avec le déclin des luttes sur la route, il fallut bien trouver une nouvelle manière de prouver aux autres sa puissance et son astuce, et les bars devinrent des lieux dangereux, où seule la loi du plus fort régnait, et où il fallait mieux venir accompagné.
Il faut bien avouer cependant que cela empêchait, d’une part, de se reposer après des heures passées sur les routes, et d’autre part, de ramener la jeune et jolie donzelle (ou damoiseau pour vous mesdames) passer un peu de bon temps, la soirée commençant souvent par le biker recevant un coup bien senti dans l’arcade sourcilière.
Les chefs des diverses bandes, gangs, et autres attroupements de bikers organisés se réunirent donc dans le plus grand secret afin de trouver une solution à ce problème épineux, qui en plus leur faisait mauvaise publicité, baissait les parts de marché, et risquait de mettre à mal leur position de seigneurs des routes, pour être détrônés par ces gars bedonnants et leurs immenses 763 tonnes.
Non, les choses allaient mal, et cela ne pouvait pas continuer. C’est pourquoi ils arrivèrent malgré leurs différents à tomber d’accord sur une manière simple et civilisée de résoudre les conflits. Ils avaient d’abord pensé aux fléchettes, mais ils se dirent que sur les tracts, ce ne serait pas terrible. Alors ils prirent la décision de se défier au
Skull and Roses (Pétard il a été long à venir celui-là).
Mais qu’est-ce donc que le
Skull and Roses, me demanderez-vous. Il s’agit tout simplement de la forme la plus civilisée au monde de résoudre ses problèmes. En dehors de la bombe nucléaire, mais ça laisse des traces moches au plafond alors on va éviter.
Imaginez les chefs de chaque gang, assis à une table, se fixant droit dans les yeux (et quand il y a cinq ou six personnes autour de la table ce n’est pas facile de se fixer droit dans les yeux), cherchant la faille dans l’armure impénétrable, le tic, le sourire dénonciateur... et je m’avance un peu.
Il va falloir faire preuve de bluff, de tactique, de fourberie pour espérer remporter une partie de
Skull and Roses. Vous aurez en main trois roses et un crane, et choisirez à votre tour de jouer l’un de ces éléments face cachée, ou de mettre fin à la pose en annonçant un nombre de roses dissimulées sur la table.
Lors des premières parties, les bikers jouaient avec de vraies roses et de vrais crânes, mais cela rendait le jeu un peu trop facile, alors ils ont décidé de dessiner ces symboles sur des cartes afin de corser un peu le challenge.
Une fois un nombre annoncé, le joueur suivant n’a plus le choix : il doit parler, ou abandonner. Soit il augmente le nombre, soit il annonce que vous vous gourez royalement (on joue entre maîtres de la route, rappelons-le).
S’il annonce une valeur, le joueur suivant se retrouve devant les mêmes choix. Et ainsi de suite.
Lorsque quelqu’un à annoncer une erreur, attention, là la tension monte d’un cran, il faut réussir, ou périr.
Le joueur doit montrer autant de roses qu’il a annoncé sans montrer un seul crâne. Mais, il y a toujours un mais, il doit obligatoirement montrer toutes les cartes qu’il a posé devant lui.
S’il rate son coup, il perd l’une de ses cartes, au hasard. S’il réussit, il marque un point. Et comme il ne faut que deux points pour gagner (les bikers ne sont pas les personnes les plus patientes au monde, ils veulent des résultats rapides) autant dire que la tension est toujours forte lors des moments de révélation.
Un joueur pourrait toujours poser son crâne devant soi, rien que pour donner les nerfs aux autres. Mais en faisant ainsi, il ne peut pas gagner ! Eh oui. Il convient donc de penser, planifier, tromper ses ennemis, bluffer, stratégier, sentir le vent tourner, observer ses adversaires, pour remporter la partie.
Skull and Roses est un très bon jeu, qui a le mérite de s’appuyer sur des mécanismes tellement simples que même les non-joueurs accrochent facilement à une partie.
Les parties sont rapides, l’ambiance omniprésente ne descend pas, et... non, rien à dire de plus, c’est un bon jeu, qui plait facilement, on y rejoue avec plaisir, et il ne présente pas vraiment de mauvais points.
Il existe une extension qui rajoute d'autres decks de jeu, mais les règles restent les mêmes. Deux versions du même jeu donc. Les images présentées ici ne proviennent que de la version noire, celle des hommes, des vrais.