(Le comité du bon goût vous invite à écouter la musique de
cette petite vidéo pour accompagner agréablement votre visite de ce test.)
Mais où sont les RPG d'antan ?
Adieu, combats au tour par tour.
Adieu, sprites en 2D avec une grosse tête.
Adieu, dialogues dans des petites boîtes sans doubleur.
Adieu, tout ce qui faisait le charme et la chaleur de ces petits univers de pixels dans lesquels une fine équipe partait à l'aventure dans le noble but de sauver le monde tout en se forgeant le caractère.
Adieu ?
Dans
La vie de Galilée de Bertolt Brecht, Andrea, un disciple de Galilée, indigné par le fait que son maître ait abjuré devant la peur d'être condamné par l'Eglise, s'écrie : "Malheureux le pays qui n'a pas de héros !". Ce à quoi Galilée réplique : "Malheureux le pays qui a besoin de héros."
Brecht expose ici la thèse de son théâtre épique par le biais de ses personnages : le théâtre épique doit confronter les spectateurs à la pièce présentée, pas les laisser s'identifier aux acteurs présents sur scène.
Le théâtre épique selon Brecht est un théâtre analytique, qui use de ce procédé de la distanciation pour faire réfléchir et instruire le spectateur.
Les jeux vidéos prennent le contre-pied complet de ce théâtre, en nous glissant généralement dans la peau d'un avatar qu'on "contrôle", sans aucune distance. Ceci pour nous immerger dans l'univers développé par le jeu et nous raconter une histoire simple mais forte. Et, malgré le grand respect que je porte à Brecht et à son oeuvre, force est de reconnaître que c'est tant mieux.
The Legend of Heroes: Trails in the Sky (Eiyū Densetsu VI Sora no Kiseki FC) est un jeu vidéo de type RPG développé par Falcom en 2004, traduit par XSEED Games en 2011, et finalement publié par Ghostlight dans nos pas si vertes contrées.
Jusque dans le titre de sa série, Falcom met l'accent sur les personnages, ces Héros, qu'on sera amenés à suivre durant tout le jeu. Et effectivement, Trails in the Sky ne tient
que grâce à ses personnages : tel Grandia, il développe brillamment les relations entre les membres de notre groupe soigneusement élaborés et des personnages secondaires étonnamment étoffés.
Comme le titre original l'indique, la série n'en est pas à son coup d'essai. Sora no kiseki est le sixième dans la série des The Legend of Heroes, série elle même dérivée de Dragon Slayer VI: The Legend of Heroes. Et Trails in the Sky est en train de devenir une troisième série dérivée, une dérivée de dérivée en somme. Pour l'heure, Sora no Kiseki comporte cinq épisodes, et un sixième est en préparation :
- Sora no Kiseki First Chapter
- Sora no Kiseki Second Chapter
- Sora no Kiseki Third Chapter
- Zero no Kiseki
- Ao no Kiseki
- En préparation -- Sen no Kiseki
Je m'intéresse donc au seul opus sorti en France à l'heure actuelle, à savoir First Chapter.
Trails in the Sky se veut très très classique, depuis la vue des sprites en 2D dans des décors en 3D simple, façon Ragnarok Online ou Grandia, jusqu'à son système de combat au tour par tour avec l'ordre des tours visibles à la FFX et une gestion des déplacements des personnages sur un damier qui donne une petite dimension de tactical. Hors des combats, on se prépare bien sûr en chouchoutant son équipement, mais aussi à l'aide d'un petit système d'orbes semblable au système de matéria de FF7 (en moins ambitieux quand même). Ainsi, on peut équiper des orbes qui apportent des modifications de stats et des sorts magiques. Enfin, une barre de "Craft Points" se remplit au fur et à mesure qu'on inflige et qu'on reçoit des dégâts. On peut utiliser quelque Craft Points pour exploiter les capacités spéciales propres à chaque personnage, ou bien la totalité de la barre (à condition de l'avoir remplie) pour déclencher des S-Breaks, sorte de Limit Breaks trop classes (pour de la PSP).
Les combats, comme le reste du jeu, sont servis par une
musique fantastique écrite et interprétée par la JDK band de Falcom.
Le rythme du jeu est un peu comme l'introduction de ce test -- désespérément lent. La construction est très classique, avec un groupe de héros qui voyage de ville en ville en aidant tout le monde sur son passage. Le scénario ne décolle pas vraiment avant les trois dernières heures de jeu (sur une quarantaine). Néanmoins on parcourt le monde de Liberl avec joie, car l'écriture est excellente. Vraiment excellente. Vraiment vraiment excellente. En fait, j'ai jamais vu de jeu aussi bien écrit. Et il y a fort à lire, car il y a beaucoup de dialogues.
Vraiment beaucoup de dialogues. Bon, vous m'avez compris. Pour prendre une comparaison complètement arbitraire, l'intégralité des 5 sora no kiseki déjà sorti, versus Final Fantasy X, c'est
À la recherche du temps perdu versus
Martine va à la plage.
Il faut dire que quasiment toutes les quêtes sont scénarisées. Pas "un peu" scénarisées, complètement scénarisées. Aucune ne ressemble aux autres, et si les objectifs ne varient pas forcément, le contexte est tellement différent qu'on ne s'en rend pas compte : ce qui importe c'est le voyage, pas la destination.
Estelle Bright voyage donc sur les traces de son père avec son frère adoptif Joshua à travers le royaume de Liberl afin de valider leur diplôme de bracers (une organisation non gouvernementale semblable à une sorte de guilde, quelque part entre le pompier et le milicien). En chemin, ils découvrent peu à peu qu'une intrigue politique se trame dans l'ombre, et font évidemment le nécessaire pour la déjouer.
Oui, c'est vraiment ça le scénario.
Trails in the Sky porte "FC" comme First Chapter dans son nom, et ce n'est pas pour rien. La majeure partie de l'aventure joue le rôle d'une exposition. Les nombreux personnages sont tous présentés, les lignes de dialogues cultes fusent, on apprécie. Subtilement, les personnages évoluent, se développent. Les liens qui les unissent sont remis en question. L'intrigue se complexifie, devient plus sombre, et...
le jeu se termine sur un cruel cliffhanger, bien amené et exécuté soigneusement.
Le Second Chapter reprend directement après, littéralement au jour suivant. Mais Second Chapter est toujours en Japonais, et XSEED (qui a signé pour la localisation des trois premiers épisodes au moins) est toujours sur la traduction depuis 2011. Ils travaillent encore dessus, mais avec une faible priorité, à cause des pauvres ventes de FC...
En conclusion, Trails in the Sky est une étoile montante dans la liste de mes RPG préférés, je ne connais pas assez de superlatif pour le décrire, et il a été pour moi un véritable choc. Si le deuxième chapitre tient ses promesses (et d'après les retours, il fait mieux que les tenir), et surtout s'il sort un jour, il se pourrait bien que je tienne là ma série favorite. Le jeu n'a pas la prétention d'un Final Fantasy ni le souffle épique d'un Xenoblade, mais il parlera à ceux d'entre nous qui ont soif d'aventures, comme les fans de Grandia, que
rien ne devrait retenir de foncer pour se procurer ce superbe jeu. Amis zanarkandien, ce jeu m'a offert une seconde jeunesse le temps d'une quarantaine d'heures.
Je vous laisse sur
un petit air d'harmonica...
Lars Rosenblau, Sadique cinglé.