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> [JdR] L'art du meneur de jeu itinérant, Ou discussion sur ce qui distingue le bon meneur du mauvais meneur
Etpah
Écrit le : Jeudi 03 Octobre 2013 à 14h54


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Une version... plus lisible se trouve ICI

En ces temps de disette créative, j'ai discuté avec un ami, lui ai distillé mon savoir ancestral sur l'art du mensonge et de la tromperie. Mais je m'avance sur ma conclusion. Un ami donc, joueur de jeu de rôles, hohoho, joueur de jeu, désire passer du côté obscur du jeu de rôles, et mener. Je préfère ce terme à maîtriser, mais je ne le trouve toujours pas parfait. J'en avais trouvé un qui me plaisait plus, mais je l'ai oublié. Alors mener ce sera.
Mon enseignement a commencé par distiller quelques conseils, qui se révèleront en grande partie incompatible avec sa manière à lui de mener. Chacun fait cela à sa sauce, et il est difficile de savoir ce qui relève d'une méthode universelle, et ce qui n'est que vaudou personnel. J'aimerais vous amener à discuter, entre hommes de bonne éducation, de ces choses qui permettent aux joueurs de garder un souvenir ému de ces quelques heures passées ensemble. La suite de l'article est écrit sur l'esprit de la campagne, mais la plupart des réflexions fonctionnent aussi bien avec un simple scénario qui sera joué en une heure trente.
Pour comprendre les exemples étranges parsemant la suite de mon long monologue, le jeu dont il est question est Pavillon Noir, jeu semi réaliste mais pas trop quand même où l'on joue des pirates. Parce que c'est ennuyant la plupart du temps la piraterie, aller d'un point A à un point B en bateau sans événements particuliers, on a vu mieux comme histoire de jeu de rôles (je laisserais notre maître es-pirates me reprendre si je me trompe sur la trépidante vie des pirates).

Il y a pour moi quelques règles simples qui feront de vous, si ce n'est un meilleur meneur, au moins un meneur plus mémorable.

La première règle du meneur de jeu est de ne pas avoir l'air dépassé par les évènements.
Avoir l'air dépassé par les événements poussera les joueurs à trouver les faiblesses du scénario, à remettre en question des choses qui passeraient normalement sans problème. Que cette partie du scénario soit travaillée ou improvisée, les joueurs trouveront des points faibles et à redire si on paraît dépassé par les évènements.
Pour gagner quelques secondes, regarder ses notes, même en pleine improvisation. Pour gagner plus de temps, faire en sorte que les joueurs ne voient pas l'attente : leur demander de préciser leur ordre de marche, qui est derrière, s'ils sont sûr de vouloir faire ce qu'ils viennent de dire, n'importe quoi qui les fera discuter entre eux. S'ils discutent entre eux, ils ne font pas attention que pendant ce temps... rien ne se passe et vous suer à grosses gouttes pour trouver ce qui se trouve derrière cette foutue porte.

La seconde règle du meneur de jeu est de faire attention au rythme.
Comme dans toute oeuvre se déroulant dans le temps, le rythme de la séance de jeu doit être travaillé. Même dépassé, (ce que les joueurs ne savent pas, voir la première règle) le rythme du scénario doit être entretenu. En cas de besoin, rajouter du stress (combat, course-poursuite) ou au contraire le baisser (demander aux joueurs de faire le point sur les infos qu'ils ont, en sous-entendant qu'ils ont pu rater un détail important).
Une "bonne" séance de jeu doit monter crescendo jusqu'à un point culminant, et disposer d'une période de grace plus calme (mais pas trop longue) pour que les joueurs retrouvent leurs esprits avant la fin de la séance... pour pouvoir commencer la séance suivante sur le même modèle... ou au contraire reprendre le modèle des séries télé (qui est un modèle collant beaucoup mieux à une campagne qu'un film) et finir sur un cliffhanger. Je trouve personnellement difficile de rebondir sur un cliffhanger : après une semaine, deux, les joueurs ne sont plus dans le même état d'excitation au début de la séance suivante, et il est parfois difficile de refaire monter la sauce.

Il y aurait donc deux types de séance : celle qui sera suivie d'une autre séance peu après, et celle avec une période assez longue avant la séance suivante. Dans le premier cas, je trouve que se baser sur un rythme de série télé est une bonne chose, tandis que dans le second, un rythme de film est plus approprié (avec la petite note finale vers une suite).
Quand les joueurs sont un peu avancés dans la campagne, il est parfois bon de cloturer (ou de commencer) avec ce qui arrive dans le reste du monde qu'ils connaissent et auquel ils tiennent (alors qu'ils sont perdus sur une île peuplée de cannibales à la recherche d'un trésor enfoui, cloturer le scénario sur le pavillon noir de leur ennemi apparaissant au large de leur port d'attache, où vivent les pnjs avec qui ils se sont liés, leur rappelle que le monde ne les attend pas => c’est une scène plus calme, permettant de faire retomber la pression tout en poussant les joueurs à discuter entre eux de ce qu'ils devraient faire lors de la prochaine séance, de combien de temps ils peuvent encore se permettre de perdre à courir après l'or avant de s'occuper du Terrible Capitaine Bob).

La troisième règle du meneur de jeu est de ne pas laisser voir quand on improvise.
Faire attention à ses tics, savoir ce que l'on a tendance à faire sur les morceaux du scénario que l'on connaît bien permet de les imiter lorsqu'on improvise. Si on a l'habitude de regarder ses notes avant chaque discours des pnjs pour vérifier ce qu'ils peuvent dire, regarder ses notes quand on fait parler un personnage improvisé permettra de cacher qu'il n'existait pas 5 minutes auparavant. Inversement, trouver les tics que l'on a quand on improvise permet de les rajouter lorsqu'on n'improvise pas. Si on a tendance à faire de grands gestes quand on fait parler des personnages improvisés pour cacher le fait qu'on ne sait pas exactement ce qu'on va dire la seconde d'après, rajouter ces grands gestes en dehors de l’improvisation rend le tout plus cohérent, et masque celle-ci.
De la même manière, l'improvisation pure est rarement une bonne chose (dans mon cas j'ai appris à faire avec, mais il est facile de se perdre). Une bonne improvisation doit être guidée. Préparer des notes de choses qui peuvent être divulguer à ce moment de l'histoire, une liste de noms cohérents avec le lieu où doit se dérouler l'intrigue si on a du mal à inventer des noms à la volée (une liste de noms hispaniques, une liste de noms hollandais, une liste de noms anglophones, et on est bon pour n'importe quel port où les joueurs peuvent décider de s'arrêter... ou pas mais on va dire que oui), quelques caractéristiques génériques si on n'est pas à l'aise avec l'équilibrage des règles (un garde lambda, un lieutenant de la garde, un marin lambda, un capitaine, ...), quelques informations de base facilement accessibles (ambiance générale de la ville, événements banals, calendrier lunaire, alignement des étoiles... enfin, quoi que ce soit qui permette de rester cohérent, si on a annoncé deux séances plus tôt qu'on entrait dans la saison des pluies, il serait bon de s'en rappeler pour l'ambiance générale).
Et inversement, il convient de prendre des notes quand on improvise. Se rappeler du nom de la serveuse rousse de la taverne des Cochons Volants à Tortuga (Aida) ne sera pas facile après trois séances passés dans les îles à fuir les cannibales. Mais il y aura toujours un joueur pour se rappeler de son nom. Si en plus on a noté qu'elle a un léger zozotement et une démarche chaloupée (parce qu'on a sorti cet adjectif en pleine improvisation et puis tant pis), les joueurs seront conquis. Plus important, se rappeler que le tyrannique gouverneur Sir Lark a été mentionné et qu'il a été dit qu'il allait fêter ses 40 ans quelques semaines plus tard permettra de mentionner la fête qu'il a tenu à cette occasion quand ils reviendront au port... ou de prévoir quelques idées pour ladite fête des fois que les joueurs décident de s'y inviter parce qu'ils n'ont pas envie d'aller visiter ces îles pleines de cannibales. C'est la saison des pluies après tout.
Cela veut dire, bien sûr, prendre des notes quand on n'improvise pas. Des notes de ce que disent les joueurs, de ce qu'ils font, de l'accent stupide qu'on vient de donner au vieux mendiant qu'ils ont croiser au cachot. Ils pourraient croiser toujours le même vieux mendiant à chaque fois qu'ils se retrouvent au cachot. Ce serait irréaliste, mais drôle pour les joueurs sans briser le jeu. Et pour peu qu'ils passent régulièrement au cachot, ce personnage totalement secondaire restera plus dans les mémoires que le Terrible Capitaine Bob. Les joueurs sont fantasques parfois.

La quatrième règle du meneur du jeu est de tricher honteusement, mais justement.
Je l’ai mise en dernier parce que pleins de gens ne sont pas d’accord. Mais être meneur de jeu, c’est ... mener l’histoire pour que les joueurs s’amusent, ou au moins vivent des temps intéressants. Il ne faut pas tricher parce qu’on veut obliger les joueurs à aller dans une direction précise. Il faut tricher pour épauler le personnage qui aura besoin d’un petit coup de pouce, qu’il soit joueur ou non-joueur. Si après une description exceptionnelle des joueurs, une forte concertation, des heures de préparation, tout est mis à l’eau par un simple jet raté, ce serait comme un soufflé raté. Moche.
L’inverse est vrai aussi : parfois, il faut accepter les aléas de la vie. Il n’y a rien de pire que le grand méchant invincible parce qu’il ne faudrait pas qu’il meure maintenant, c’est le grand méchant. Acceptez de jeter le grand méchant aux oubliettes, laissez les joueurs savourer leur victoire, et révélez que le Terrible Capitaine Bob n’était en fait que le lieutenant du Flamboyant Capitaine Tuck. La mort doit rester un spectre réel et dangereux (enfin, si c’est le cas dans le jeu au départ), sinon le plaisir de jeu est limité. Sans danger, pas de prestige. Sauver un joueur ne veut cependant pas dire l’exempter de toute conséquence. Le joueur aurait du mourir de sa chute, mais il n’a chuter qu’à cause de trois échecs critiques d’affilé ? Laissez-le agonisant, devant être emporté au plus vite par ses compagnons vers l’hospice le plus proche. Qu’il vive ou qu’il meure, son destin sera plus poignant que s’il était simplement mort de sa chute.

Ce qui m’amène au point suivant. Ce n’est pas une règle à proprement parler (parce que j’ai dit que la précédente était la dernière), mais il s’agit d’un point fondamental. Et il s’agit de la gestion des jets de dés.
Et là je dis... oubliez ce que disent les règles (du jeu, pas les miennes, elles sont bien mes règles). Certains jets ne devraient pas être à la charge des joueurs.
Les joueurs ne devraient pas savoir si l’un d’entre eux n’entend rien derrière la porte parce qu’il n’y a rien à entendre, ou parce qu’il a raté son jet. Le jeut devrait être fait par le meneur, derrière son écran (ou tout autre artifice pour cacher le résultat du jet), et ne laisser pas les joueurs voir le résultat (Ce qui permet aussi de tricher allégrement en plus). S’il y a une baisse de tension dans le scénario, faites un ou deux jets secrets, et les joueurs se demanderont si quelque chose les attend, les poursuit, s’ils auraient du faire autre chose, quelque chose.
Inversement, si une information DOIT être donnée au joueur, ne la soumettez pas aux aléas d’un jet de dés. Dissimulée, difficile à trouver, oui, mais pas sujette à un jet de dés. (Un très bon exemple de cela se trouve dans le scénario d’introduction de l’Oeil Noir. Les joueur trouve un indice (une énigme en fait) sur un bout de papier que laisse tomber un personnage à la fin d’un combat - le mécréant fuit ou s’en va en riant et en leur laissant la vie sauve, ce ne sont que des aventuriers débutants - qui leur permet de trouver qu’il faut appuyer sur les yeux d’un personnage sur la fresque murale à la fin de l’aventure. Pas de jet de dés hasardeux ici.)
Mais tous les jets ne doivent pas tous être tenus secret non plus. La tension est bien plus grande si les moments réellement pivot de l’histoire se déroulent en direct. Ils doivent combattre le grand méchant ? Tous ses jets seront faits visiblement, face aux joueurs. Echec ou réussite, chance éhonteuse ou malchance noire, les joueurs sauront que les Dieux du Jeu l’ont voulu ainsi... (Les caractéristiques du grand méchant pourront toujours être revues à la hausse ou à la baisse derrière le rideau, et la réussite critique est toujours difficile à faire avaler aux joueurs sur les jets secrets).
Pour reprendre l’exemple précédent, si les joueurs savent qu’il y a quelque chose à entendre derrière la porte, laissez-les faire le jet (jeter les dés est tout de même l’une des joies du jeu de rôles) et en assumer le résultat. Les jets cachés servent à maintenir la tension et l’ambiance auprès des joueurs. Les personnages s’en moquent, un jet ne veut rien dire pour eux.

Et... j'aurais encore milles et une choses à dire, milles et une règles à proposer, mais tout cela se résume finalement en une seule chose, que tout bon magicien et autre homme de spectacle connaît : il faut maintenir les joueurs dans le rêve, l'illusion, et ne pas les laisser apercevoir les ficelles et les rouages qui se cachent derrière l'écran de fumée.

Et vous, quelles sont vos recettes miracles pour que les joueurs se rappellent avec émoi de leurs aventures à pourchasser le Terrible Capitaine Bob... ah non il est mort, son maître ténébreux le Flamboyant Capitaine Tuck ?
Notez que si vous êtes simple joueur, grand bien vous fasse, ne passez jamais du côté obscur, vos idées sont les bienvenues. J'ai appris beaucoup en temps que joueur. (L'un de mes meilleurs souvenirs de scénar est... un scénar où nous, les joueurs, n'avons rien fait de l'histoire. On vivait des scénettes avec des prétirés, l'une après l'autre, avions des actions mineures et sans intérêt dans ces scénettes, mais le talent du meneur était tel que ce n'est qu'en y repensant que je m'en suis rendu compte, l'histoire racontée était très bonne et le rythme parfait.)


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Au delà du Jeu, Rêves de Jeux.
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Eölen
Écrit le : Mardi 08 Octobre 2013 à 13h15


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En voilà d'excellents conseils. Je n'ai pas l'occasion de mener en ce moment, mais je découvre un nouveau jeu de rôles étrange, Patient 13, qui est...curieux. J'ai à peine fait un début d'introduction, j'peux pas en dire trop pour le moment.

Un conseil, proféré par un vieux sage, m'avait bien aidé à mener quelques parties pas désagréable. Il s'agissait de la gestion de l'échec. Oui, les joueurs ne réussissent pas toujours mais il ne faut pas les brimer ni les punir. L'idée est qu'ils n'échouent pas parce qu'ils sont mauvais mais parce que l'environnement ne leur permettait pas de réussir convenablement. Ils lancent une corde pour aborder le navire ennemis et elle tombe à l'eau à cause d'un échec en FORCE ? Et bien non, c'est le vent qui tournoie en bourrasque et les éclats d'un boulet à proximité qui ont dérangé le lanceur courageux.

Cette manière de faire rend le jeu plus cinématique, ce qui ne convient pas à tous, mais finalement, ça aide beaucoup les joueurs à tenter des actions d'éclats, et à apprécier leurs personnages, ce qui est important pour apprécier l'histoire.



Un autre conseil pourrait porter sur la gestion de la musique, mais c'est quelque chose de très particulier, comme le disent tous les vieux sages, qui dépend de chaque joueurs. Pour ma part, je trouve sympa d'avoir des thèmes pour les personnages secondaires, une musique pour le grand méchant par exemple, ou pour la chef. Les musiques de boutiques peuvent être très utiles aussi, pour poser des PNJ bien à part. J'avais trouvé une musique complétement crétine (BO de We Love Katamari) pour la chef des joueurs, qui lui donnait une aura tout à fait particulière, alliée à un pouf sur lequel elle buvait un cocktail. Le genre de chose qui donne envie aux joueurs de retourner la voir. La musique pour les combats peut également fonctionner, mais constituer une playlist est très compliqué et demande un sacré investissement dans l'écoute de BO.

Quels autres conseils peut-on donner ? Je ne sais pas trop, je pense qu'il faut être tolérant au départ pour accepter que chacun se place dans le groupe à sa manière et ensuite être vigilant pour ne pas laisser une partie du groupe s'ennuyer ou décrocher de l'activité collective qu'est le jeu de rôles.


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