Un jour, je me rendais nonchalamment à l’Ecumoire, petite caverne aux merveilles de ma ville, que seuls les connaisseurs ont réussit à dénicher et à apprécier. En gros, c’est une sorte de brocante, de maison des trouvailles, spécialisées dans le livre, le DVD et les CDs. On y trouve que de l’occaz’ mais allez savoir pourquoi, à chaque fois que je vais là-bas, je trouve des perles rares. Pas rares dans le sens d’inconnus ou d’introuvables, mais les prix y sont tellement attractifs que je me laisse tenter pour acquérir des choses dont je ne connais rien, simplement parce que le visuel ou le nom me plaît. Quitte à tomber sur des grosses bouses, mais ça ne m’est arrivé que rarement.
Ainsi j’ai un jour acquis l’album Dreaming Neon Black d’un groupe nommé Nevermore. Je n’apprendrais que plus tard que ce groupe de métal expérimental est en réalité assez célèbre et très apprécié (ça je comprends parfaitement pourquoi), ma méconnaissance du sujet ayant certainement influencé sur la jouissance sonore que je ressentis au moment de la première écoute de cette perle noire. Donnons tout de suite le ton : Nevermore est un groupe désenchanté, déchiré, dont le côté triste et macabre, désincarné, résonne avec d’autant plus de force que les pistes sont souvent d’une violence mélodique rare. L’inspiration, mes amis, l’inspiration : à chaque piste, une nouvelle découverte, un nouvel éclat : Nevermore ne se répète jamais, et tout en conservant une identité forte qui lui est propre, ce combo vous éclate littéralement la tête en faisant toujours meilleur. TOUJOURS ! A ce jour, il n’y a pas un seul morceau de ce groupe que je n’apprécie pas. Il y en a que j’aime plus que d’autres, mais jamais aucun qui ne me déplaît à l’écoute, dont je passerai la piste. Non. Nevermore c’est un groupe qui parvient à vous toucher, à vous parler, à éveiller en vous des sentiments assez étranges, l’euphorie, la violence, la tristesse…. C’est magique.
Nevermore est créé en 1992 par les deux instigateurs magistraux de cette œuvre surpuissante, à savoir Warrel Dane (chant) et Jim Sheppard (basse). Ils rencontrent très rapidement celui qui va faire vivre la toute puissance de ce groupe, la magistral (et pourtant autodidacte) guitariste Jeff Loomis, ainsi que le batteur (surdoué lui aussi) Van Williams. Pendant toute sa carrière, le groupe a jonglé un nombre incalculable de fois avec les seconds guitaristes (tenir face à un Jeff Loomis, c’est pas donné à n’importe qui), mais semble finalement s’être fixé en 2003 avec le talentueux Steve Smyth. Voilà pour la composition du groupe.
En 1994, c’est le succès avec leur tout premier album, qui porte d’ailleurs leur nom « Nevermore » (seul album que j’ai pas encore acquis, difficile à trouver semble-t-il). Suivra bien vite 1996 l’énorme Politics of Ecstasy, qui commence déjà à marquer le ton, même si les compositions sont nettement plus brouillonnes et complexes, frappent moins directement, que sur les autres albums.
En 1998 survient un drame : la compagne de Warrel Dane perd la vie par noyade. Le chanteur de Nevermore est effondré. Pour combattre la douleur insoutenable de cette perte, ses amis, Jeff Loomis en tête, proposent une thérapie par la créativité : c’est la création de Dreaming Neon Black, qui sortira en 1999. Infiniment personnel, cette œuvre d’une violence et d’une tristesse rares, véritable exposant de la douleur et de l’injustice ressentie par un homme qui a tout perdu, ne peut pas laisser indifférent. La voix de Warrel Dane, à la base déjà extraordinairement expressive, parvient à tirer des larmes pour peu qu’on suive le contexte de production de l’album. Les paroles sont puissantes, les mélodies inspirées. On sent une réelle proximité entre chaque musicien, une véritable amitié : la cohésion d’un groupe soutenant le malheur de l’un des leur et se l’appropriant littéralement : explosion cérébrale et émotive. La puissance de la chanson-titre de l’album est tellement poignante, la violence d’un Beyond Within tellement parlante, qu’on reste sur le cul, sans voix, jusq’au long et effroyable silence suivant les dernières notes hypnotiques de la chanson finale…
Un an à peine après, en 2000, le groupe revivifié par les forces nécessaires pour oublier le passé et aller vers l’avant, sort une galette absolument divine. Personnellement, je considère Dead Heart in a Dead World comme le chef d’œuvre ABSOLU de Nevermore, et l’un des plus grands albums de métal de tous les temps. Je vois mal quoi en dire d’autre : chacune des onze pistes TUE LA TRONCHE. Ca vous explose la tête, ça vous fait chialer, ça vous donne envie de bouger, de crier, de chanter, de faire exploser toute une violence contenue en vous (je parle de violence positive, de violence tribale), c’est tellement créatif, recherché, parlant, expressif… en un mot : PUISSANT ; que ça se passe de commentaire. TOUTES les chansons de cet album sont une orgie de sensation, c’est une création absolue que tout le monde se doit d’écouter, même les gens les plus réfractaires au métal : ça dépasse la notion de goût personnel… c’est juste délectable.
En 2003 sort l’album polémique : Ennemies of Reality. L’inspiration est là, la recherche également. C’est un digne successeur de Dead Heart in a Dead World, avec, avouons le, un panache légèrement moins appuyé, mais un coup de génie peut-il se reproduire deux fois ? Les chansons, plus incisives, plus violentes, auront du mal à plaire à tous : c’est un pur album métal, absolument jouissif pour les amateurs du genre, mais inabordable pour les autres. La polémique donc, vient du fait que le groupe subit une mauvaise critique au sortir de l’album, non pas à cause de la qualité des compos, mais de celle de l’enregistrement, Century Media, l’éditeur du groupe, n’ayant pas alloué les crédits suffisants pour permettre une qualité de son optimale. Résultat : un chant parfois inaudible, une compression maladroite, une basse trop prononcée, des solos à moitié bouffés. C’est immédiatement le clash : pour Nevermore, voir leur talent brimé par l’avarice de leurs producteurs est intolérable : ils quittent Century Media et là, c’est la crise pour tous les fans : des rumeurs folles éclatent, le groupe se serait séparé, s’en serait fini de Nevermore… certains vont même jusqu’à parler du suicide de Warrel Dane. En bref, c’est le gros n’importe quoi (comme d’hab chez les fans). Le groupe réapparaît quelques mois après avec Ennemies of Reality Remixed, le même album retouché cette fois-ci par Andy Sneap. Face au succès fulgurant de cette nouvelle mouture, Century Media fait des offres non refusables au groupe pour qu’il accepte de signer à nouveau chez eux. Inutile de préciser que le groupe est alors mitonné aux petits oignons et que plus rien ne leur est refusé : c’est le début du gros succès pour Nevermore : clips, concerts gigantesques, publicité télévisuelle.
En 2005, le groupe sort l’excellent This Godless Endeavor, sorte de mix ultime entre l’ambiance d’un Dreaming Neon Black, le génie d’un Dead Heart in a Dead World et la puissance d’un Ennemies of Reality. L’album fait un carton mondial et le groupe est consacré. Personnellement, j’apprécie énormément ce dernier album, mais je le trouve légèrement moins inspiré par moments que les autres. Tout ceci se rattrape fortement, croyez moi, sur certaines pistes hallucinantes qui rivalisent sans mal avec le génie de mon album favori, Dead Heart in a Dead World. Bref, encore un incontournable, et sans doute l’album le plus connu du groupe.
Le groupe a ensuite décidé de s’accorder une pause bien méritée après une série de concerts énormes partout dans le monde, les shows fulgurants attirant une masse incroyable de monde, les performances scéniques du combo étant absolument ahurissante. Nevermore est connu pour produire des chansons de scène encore meilleure que les versions enregistrées, c’est dire. La virtuosité des musiciens y est indiscutable et on remercie leurs producteurs d’avoir gratifié les fans d’un fameux DVD live, The Year of the Voyager, sorti en 2008, permettant à tous de profiter de cette bête de scène sans devoir se déplacer à des centaines de kilomètres de chez soi. On peut y constater l’incroyable talent du groupe, la proximité qu’ils ont avec leur public et l’aisance dont ils font preuve même dans les parties les plus techniques (et je peux vous dire qu’il y en a à la pelle).
Les membres du groupe ont profité de cette pause pour mettre en œuvre des projets plus personnels. Warrel Dane a sorti un album solo, Praise to the War Machine, que je n’ai pas encore acquis, tandis que Jeff Loomis nous a pondu un génialissime et surpuissant Zero Order Phase où il fait preuve de son incroyable et effrontée virtuosité. Ce mec met le moral à zéro à tout apprenti guitariste, croyez moi. Ce qui est marrant, c’est que dans chacun de ces albums « extérieurs » on sent que Nevermore continue à vivre : c’est le ton Nevermore, la patte Nevermore, l’ambiance Nevermore : ils ne peuvent pas en sortir, c’est ce qu’ils sont, ce qui les transcende et c’est tous ensemble qu’ils l’expriment de la meilleure des façons… comme avec ce nouvel album en préparation qui devrait sortir courant 2009 et que je n’en peux plus d’attendre…
EDT : et voilà un article de plus pour une des parties les plus vide du site.
[Metal Expérimental] Nevermore
